Comme tout le monde (suite 2)

Publié le par Pierre Sirère

Comme tout le monde (suite 2)

Lundi au soleil encore.

Sur le goudron pas grand monde, la circulation est fluide, les controles espacés, presque que des voitures récentes, des « en règle », les autres roulent sur les contres pistes, il y a mème des embouteillazes sur certaines traverses courrues. Au Super marché des vacances, quelques produits importés commencent à manquer, les fromages surtout, ceux qui restent sont cotés en bourse. Les masques on fait leur apparition, des trucs inventés, récupérés, détournés, on est au pays des spécialistes en la matière. 

Les toubabs premiers de la classe ont le complet veston aux normes Euro, le souvenir qu’on ramène cette année ?  La boite de 50 masques –«  une boite par personne, ils sont capable de remplir leurs valises » dixit le pharmacien…

 

Zébulon est là, ses grandes soeurs viennent d’aller le chercher, Rose est en approche, il devait commencer ou terminer une sieste, il est très calme aujourd’hui, ça sent pas le tournicouti tournicoton ! Je m’accroupi à coté de lui, lui prend la main, on fait semblant de discuter, j’appelle Rose, la fait asseoir, lui prend la main, deux petites touchettes, demain il la caressera tout seul. 

Un jeune papa et son bébé de 4 mois nous a accompagné un bout de chemin, histoire de présenter Rose à sa petite fille.

 

Mardi en avril ; je dirai au début.

Matinée bien remplie, grasse matinée, bon petit déj, toilette option rasage, j’avais négligé depuis depuis, balade et réunion du conseil des ministres, vu le niveau des vrais,  on peut tous l’ètre.

La balade est en évolution positive continue, pour Rose d’abord qui a été adoubé en liberté dans le quartier, très rare ici, ou la peur du chien est ancrée depuis l’époque coloniale. Pour moi c’est pareil, remplacez juste chien par blanc ou con, dans la phrase précédente.

Les sénateurs me saluent à chacune de mes sorties, en quelques jours on est passé d’un bonjour discret à de beaux échanges profonds sur un ton de la plaisanterie.

Aujourd’hui ils m’attendent, curieux de savoir avec quoi je vais les faire rigoler, en tant que Toubab je pratique l’autodérision sans trop forcer le trait, il y en a pas besoin, surtout en ce moment… les rires résonnent encore quand quelques mètres plus tard j’arrive sur la scène de Rose, les enfants l’attendent, ça court, ça rit, ça cri beaucoup, tout le monde s’amuse et elle rentre épuisée, c’est quand même le but principal… sortir le chien.

Le conseil des ministres s’est bien passé, le cabinet restreint, les plus affutés, on nous a demandé un devis pour refaire le monde, on a bien avancé. Je reviendrai vers vous en temps voulu, comme dirait l’autre.

 

 

Mercredi je crois…

Je suis un peu en manque de désert, normalement j’aurai du ètre en préparatifs montée en avion descente en voiture. L’équipe était formée, outre les nouveaux mariés raison de ma montée, l’équipe avait fiére allure. Je pistais encore sur internet il n’y a pas si longtemps , les minibus 9 places de 2013 avec 125000km max, un ami hotelier en voulait un, et couvrait les frais de descentes, l’histoire était belle.

On se serait arrété le premier soir vers Loja au milieu de la Sierra Nevada, un vieux bar avec des barriques de vins, des jambons, du bon, qui pendent du plafond, un match de foot à fond à la télé, soupe de cochon délicieuse, ginto surdosés avant d’aller se coucher. A l’étage il y a six chambres, lits de grand mère, tapisserie à fleur, édredons, radiateurs en fonte, on y dort bien.

On serait passé voir Loulou à Chefchaouen, un film dans le film, passage chez l’ami Ricoré avec effets spéciaux, patisseries à pleurer, salle de bain Claude François, tajine aux anchois, bruits de la rue qui te bercent dans des couvertures en pilou pilou bigarées.

On se serait arrété chez Pascale mon ami restauratrice, qui nous aurait reçu comme elle sait parfaitement le faire, avec une touch en plus rien que pour nous. On serait allé au marché merveilleux, des odeurs, des couleurs, des fruits pleins, des légumes à profusion, des poissons pleinsssss, une douzaine de variétés de crevettes et gambas, on aurait cuisiné, on aurait partagé, ripaillé, et surtout beaucoup ri !

On se serait arrété voir mon neveu de cœur Hugo et sa petite famille, à Marrakech ou il gère une grosse résidence dans la palmeraie, un superbe endroit, ou lui et sa Lilou se seraient bien occupé de tonton du Sénégal et de ses copains. normalement on y arrive le vendredi, le jour du couscous, un des meilleurs de ma vie.

Le lendemain on se serait fait une super belle étape, variée en paysage comme rarement, l’anti Atlas est merveilleux et la descente vers le désert un grand moment qui pose un instant de silence profond à chaque fois.

On serait arrivé à Tarfaya à l’heure des longues ombres, c’est parfait dans ce décor digne de Corto Maltese. Ahmed mon ami nous attend, il me suit sur Facebook, on a tout callé via Messenger. Le matin même il a préparé mon plat préféré, dans une marmite enduite de beurre rance, des couches successives de légumes et de poissons, crabes, calamars, épices diverses et variées. Il le dépose dans le four communautaire en milieu de matinée, quand tout le monde a cuit son pain, et il l’y laisse jusqu’au soir. A Tarfaya, on dort jamais au même endroit, c’est toujours bien, Ahmed gère le parc locatif immobilier des boites qui installent les éoliennes sur la cote Marocaine, il a 40 maisons.

Journée désert de longue, quelques oueds merveilleux, deux villes à traverser, 900 km, le début des check points, et des rigolades qui vont avec.

A la fin de la journée,  les dunes, les chameaux tu t’en fout, il te tarde d’arriver à Byr Gandouz. Le désert me manque, mais je sais qu’à chaque fois, ce jour là, les 100 derniers  KM en paraissent 1000 et que la magie de la dune n’opère plus…

Aaaaaahhh je pourrai vous la raconter en long en large et surtout de travers, mais je m’arrète là, juste avant mon moment préféré. Tous les participants à cette descente reportée ont lu mon bouquin, ce qui leur a donné envie de la partager avec moi, elle n’est qu’à eux… et en plus Zébulon m’attend.

Ils sont nombreux ce soir devant chez mon nouveau petit ami, il y a même un cousin de son age, je comprends assez vite qu’il y a toute le famille qui attend de voir ce que zébulon va faire aujourd’hui. Poussé par les encouragements des siens, il s’avance, Rose est assise à coté de moi, il n’est plus qu’a quelques centimètres, les encouragements commencent à monter en volume, il s’arrète, ils insistent trop, du coup il recule. Rose bouge et jappe, les enfants rentrent en courant dans les rires et les cris, je me retourne vers les adultes, -« Souba inchalaaaaa » demain peut ètre, on se sourit, on verra demain.

 

 

 

Jeudi : bonne nouvelle,  il paraît que ça risque de durer.

Ce matin la balade s’est transformé en repérage, pour ma dernière bétise, KoulangTa, un web programme court, une parodie décalée de l’émission à la con. Regarder cet espace connu comme une scène, imaginer les cadrages, des plans séquences, se servir des décors naturels, porter un regard différents aux gens et aux objets qui m’entourent quotidiennement, détourner les codes du programme, j’adore ça. Depuis quelques jours se déroulent des conseils des ministres,  sans rendez vous, on se tombe dessus pas tout à fait par hasard, le matin vers 10 h plus. Il y a un lieu, bien sur,  qui est évidemment secret, en saison haute on y boit le café le matin tin, on est tous des entrepreneurs, de diverses origines, aux activités différentes. En saison, le point du matin y est toujours joyeux. Depuis le début du machin on y va moins mais ça reste un endroit propice aux idées, une sorte de pépinière informelle, dans la lignée du comptoir du Bigaro Dos. On devrait tourner un pilote début de semaine prochaine, un programme court, 2/3 minutes, un truc bien fait mais pas sérieux, histoire de voir si ça fonctionne. 

 

Vendredi j’ai été débordé, du coup on est demain et j ‘écris aujourd’hui… enfin j’me comprend…

Parmi les sénateurs il y a le papa d’un de mes collaborateurs, Ibou, il avait tapé à notre porte il y a cinq ans,

-«  Bonsoir monsieur, excusez moi de vous déranger, je cherche du travail, n’importe quoi, arroser les plantes, si je ne trouve pas mon père m’a dit que je dormais dehors »

Un grand gaillard désarçonné, il parle un français parfait.

-« Passes demain matin à 9 heures » … en cinq ans, avec de la patience et de l’envie de bien faire il est devenu chef de salle, me seconde au bar, il est apprécié par les clients,

il s’est marié, a eu une petite fille, et comme m’a dit son papa ce matin, -« il est avec toi »

 

Ce matin j’ai rendez vous avec mon sénateur préféré, il veut me montrer des photos de Koulang avant, il m’attend et a installé deux fauteuils en plastiques, face au port, à l’océan, aux enfants qui jouent, au premier rang du spectacle permanent, et à l’ombre bien sur. Une dizaine de photos couleurs, laissées par de bons amis toubabs, des baobabs sur une immense plage, peu ou pas de construction, mémoire d’un temps que je n’ai pas connu. Il me raconte sa vie, ses voyages, la mer, les bateaux, New York, St Pierre et Miquelon, l’Italie, la France, les convoyages de bateaux, des amis tous morts aujourd’hui. Autour de nous le spectacle se déroule sans accrocs, les enfants fabriquent un jouet avec des morceaux de pirogue, une vendeuse nous offre deux tranches de melon, on prépare le thé en face, à l’abri de la brise marine, un bon moment d’éternité, Merci.

 

Samedi Là c’est sur !

Loin de la foule bruyante des rendez vous du soir, Zébulon et Rose ont sympathisés ce matin, comme ça d’un trait, sans prévenir, il est allé vers elle et elle aussi, il y a eu un grand silence, les grands se taisaient, il l’a touché, elle a léchouillé sa menotte, et ils sont repartis comme si c’était normal, chacun à ses occupations.

 

Dimanche le poulet s’appelle Pascal

Je me rappelle au lycée. ..

Le premier jour l’appel fini, le prof nous donne un truc à faire, et commence à lire les fiches de chaque élèves, par ordre alphabétique, je suis loin, vers la fin avec mon S.

J’attend … il relève la tète, un sourire en coin et demande :

-"  c’est qui Pierre Sirère ? " je répond avec le même sourire en levant ma main

-" c’est moi ! " il m’a regardé, à souri, et s’est replongé dans ses fiches.

A la question que voulez vous faire comme métier, j’avais écrit : Zorro ou infirmière.

C’était mon prof de français, le principal, il m’a donné l’amour des belles lettres.

C’était l’age con avec questions assorties :

Mes références africaines à l’époque étaient, tintin au Congo, Zembla et Yéyé,  Rahan le fils de Crao qui aurait pu l’ètre, et le peu qu’on nous racontait à l’école sur ce continent, pourtant, à la question :

–" tu te vois comment en réincarné ? " je répondais ;

-"  je me vois vieille mama noire avec 10 enfants, dans un village en afrique "

Je pense que  finalement je ne fais que prendre de l’élan…

 

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