Sensations Inversées

Publié le par Pierre Sirère

-" putain, il est ou ce quai numéro huit ??"

Dans les couloirs de la gare de Genève, je presse le pas, je suis juste dans le timing, ou alors j'ai pas bien compris, trop de panneaux, trop d'infos, à marche forcé, empreint de craintes, de doutes, lunettes embuées, pas facile de se concentrer, s'arrêter, se poser, réfléchir n'est pas de mise, le flot de la foule m'emporterait en terre inconnue ...; Je rentre au Sénégal en courant, ce n'est pas de mon fait, c'est juste le rythme Toubabique, c'est ainsi..... La pression sera la même, des horaires, des rendez vous, des itinéraires imposés, un marathon jusque à la sortie de l'aéroport , sous la pluie, saison oblige...

Je mettrais quelques jours à me débarrasser de cette fine couche de tension, de stress post traumatique ...

Mamadou revient chez lui, aprés une belle saison en Toubabie, il déambule dans les boutiques de duty free de l'aéroport Bordeaux-Merignac, il lui manque encore quelques cadeaux pour la famille, et quelques nouveaux gadgets qu'on ne connait encore pas à Saly Tapé, il prend son temps, il s'est arrangé avec des compatriotes pour son évident supplément de bagazzzz...

L'avion est à l'heure, le bus qui l'a amené n'est pas tombé en panne, comme un enfant dans une aire de jeux il a pris tout les tapis roulants, tout les Escalators, a testé tous les QR codes, à téléchargé toutes les applis sur ces trois portables, il est toubabiquement au top.... Un dernier "King Burger", embarquement ....

Il arrive à l'heure, malgré les douaniers, qui lui ont gratté un billet, le dispatching bagazzz ils n'aiment pas torop .... il attend,...  il pleut,.... Un duo de "bawal bawal" l'accostent , lui propose de faire du change Euro/CFA, l'opération terminée,  la paire disparue, il recompte, il manque cinq milles FCFA, l'arnaque est bien rodée.... Bienvenu au pays .... la pluie a cessé, plus de trente minutes d'attentes, sénégalaisement normal,....

il guette sa voiture , une 307 break noire, celle qu'il a laissé à un chauffeur de taxi, en location pendant son absence, son frère Ibou a du la récupérer et doit venir le chercher avec, Inchalaaaaa ... Le frangin a quarante minutes de retard, comme ça,.... il arrive, avec une Toyota Corrola blanche....

Je croise mes voisins de quartier, des signes de la main, des saluts divers et variés, j'ai l'impression de me présenter aux élections....

Stop chez le Mauritanien -" depuis quand ?.... Et Madame ?"... du tapalapa, trois bricoles, une négociation, inflation de l'absence oblige, direction la maison.

-" bonne arrivée Moussé Père" assises couchées sur une natte face au resto, la petite boutique sur le trottoir est ouverte, sur le fourneau allumé des épis de maïs grillent, on se renseigne sur l'inflation de la bouteille de cacahuètes qu'on leur prend pour nos clients à l'apéro, tout augmente, même ici....

A mon entrée dans le jardin , La symphonie des oiseaux passe en mode forté bienvenue, Rose fait le tour de son domaine à fond la caisse, et nous gratifie de sauts de cabris dont elle seule a la maitrise, elle virevolte, une belle démonstration de contentement....

je retrouve l'ambiance hamam ambiant, qui ne m'a pas trop manqué, les insectes qui vont avec non plus.... Un nouvel habitant se fait connaitre le lendemain au réveil, un bébé Bar* de 40 cm, il a élu domicile derrière son nom,  il a déjoué la vigilance légendaire de notre gardien hors d'âge... Je le prénomme Albert.

On réouvre le resto dans quelques jours, j'ai quelques bricoles à faire, ou à faire faire, dank dank*,  je procrastine même l'une d'elle  jusque au jour de l'ouverture, j'aime bien voir ma moitié monter en pression , c'est mon coté taquin limite casse bonbon......

Mamadou demande à son frère :-" et ma voiture, anamou* ?".... Ibou lui explique calmement, qu'elle est chez les gendarmes depuis depuis, le loueur a eu un sinistre, il n'avait pas payé le renouvellement de l'assurance, qu'il est aux abonnés absent, plus personne ne l'a vu .... La Corola il l'a loué sur ses fonds propres et éventuellement,  lui payer la course serait une bonne idée....

Retour à la maison familiale, à partir de ce moment là le temps ne lui appartient plus, ses bagazzz non plus d'ailleurs, et il aura bien du mal à trouver un peu d'intimité avec sa dernière petite fille, Fatimata, qui ne l'a pas attendue, et est née, une semaine avant son retour....

Les amis, les voisins,  les cousins, les tantes, oncles, quelques inconnus , se succèdent, les repas s'enchainent, le thé en libre service,  il raconte la même chose à chaque fois, sa vie en Toubabie, "autre chose", reprend les mêmes anecdotes qu'il améliore et brode au fil des jours, il est épuisé quand je le rencontre en faisant ma balade du soir avec Rose, au port de Koulang....

-"Alors Mamadou cette saison en Toubabie c'était bien ?"

-" Oh oui !!! .... là je sors de la grande prière du Vendredi ...; je t'expliquerai .., j'ai rendez vous à la gendarmerie pour ma voiture,.... j'ai pas le temps .... léguy , léguy *!!!" .....Il part en courant, pressé et stressé comme un Toubab,... je savais pas qu'on était vendredi ....

Dans quelques jours, problèmes divers et variés réglés ou pas, le graoulisme* sera de retour,   il ira mieux, et on se retrouvera autour d'un verre pour rire de nos sensations inversées.

Anamou : elle est ou ?

Dank Dank : doucement doucement

Graoulisme : un art de vivre, ou rien n'est grave. 

Bar : Varan d'afrique en Woloff 

Léguy Léguy : vite vite 

.

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article